mercredi 4 novembre 2015

Une analyse géopolitique selon Jordis von Lohausen.

Jordis Heinrich von Lohausen 

(1907-2002)

par Antoine Schülé[1]

« L’expérience nous enseigne que l’histoire du monde est
une succession ininterrompue de surprises.
Toujours est arrivé l’invraisemblable.
Qu’un message nouveau soit lancé en un point quelconque de la planète,
 et tout change car « l’esprit souffle d’où il veut ». »[2]


J. von Lohausen[3]

Il est utile de découvrir un regard original, porté par un Autrichien, celui de Jordis von Lohausen, sur la géopolitique. Son œuvre majeure est "Mut zur Macht. Denken in Kontinenten" et il existe une traduction française intitulée "Les Empires et la puissance"[4]. Elle paraît en 1979 alors qu'il est âgé de 72 ans. En 2007, ses considérations sur l'Europe ont trouvé corps et sa vision prospective, en dehors des sentiers battus et prenant en compte des réalités historiques parfois oubliées en Europe de l’Ouest,  mérite une attention plus particulière. L'Europe centrale est une entité complexe mal perçue par l'Europe occidentale au XXe siècle, pour différentes raisons dont les principales sont politiques. Cet article vise à offrir une brève synthèse de sa vision, sans ouvrir de débats sur les convictions qu’il développe.  
Il débute sa carrière d'officier en 1926 dans l'armée de la nouvelle République autrichienne. Lors de l'Anschluss, en 1938, il est capitaine et son unité est intégrée à la Wehrmacht. Il participe aux campagnes de Pologne, de France, de Libye. En 1942, avec le grade de major (Commandant en France), il combat en Russie. En 1947, il est journaliste radiophonique (à l’ « Alpenland » et à la radio de Brême en RFA). En 1955, les Alliés quittent l'Autriche. Pour le Ministère de la défense fédérale, il devient attaché militaire aux ambassades de Londres et Paris, avec le double titre de Général et de Baron. A la fin de sa carrière militarodiplomatique, il écrit de nombreux articles et livres de géopolitique.

Son originalité est d'allier dans sa démarche intellectuelle plusieurs approches : économique, démographique, écologique (dont il perçoit très tôt les conséquences: le manque d'eau ou le défaut de cultures vivrières, par exemples), sans ignorer les influences des idéologies et des religions. Si le marxisme a été, selon son approche, un moteur idéologique qui a complètement ignoré la géopolitique au nom de l'idéologie, il estime que le communisme en Asie, en Afrique comme ailleurs dans le monde, a transformé des intentions politiques en objectifs géostratégiques.
L'exemple des Etats-Unis est pour von Lohausen le modèle à ne pas suivre : au nom de la sécurité nationale, et cela déjà dès XIXe s. comme pendant tout le XXe s., les Etats-Unis ont appliqué avec constance les principes établis par Ludendorff : pour exemples, lors de l’élimination des Indiens, de la guerre de Sécession, avec Hiroshima, avec Nagasaki, entre autres faits majeurs.

Il défend l'idée que, depuis que l'homme a compris qu'il dépend de la terre, en y comprenant toutes les surfaces aquatiques, les peuples ont pratiqué la géopolitique. Les évolutions des cartes géographiques, dans le temps et selon l'histoire de nos frontières, témoignent des préoccupations géopolitiques des gouvernants.
Toutefois, il signale que de nombreux tracés de frontière restent des énigmes. Par exemple, la frontière de l'Oural est pour lui une "frontière" de savant ne correspondant à rien et, en fait, il préfère parler d'un tout que forme l'Eurasie. Trop de frontières répondent à des choix économiques ou à des abandons politiques délibérés, parfois lourds de conséquences, et elles ignorent trop souvent les langues, les peuples comme les religions[5]. L'expansion territoriale soviétique de 1940 à 1948 et l'Europe centrale, devenue butin de guerre pour Staline, en sont des illustrations éloquentes. L'Europe a trop longtemps ignoré cette amputation consentie suite à la Seconde guerre mondiale : les populations transférées de force, les biens confisqués, les habitants transformés en esclaves, les opposants envoyés dans les goulags n'ont pas choqué l'Europe occidentale qui a préféré garder un silence que le lecteur peut qualifier lui-même: au nom de la paix pour les uns mais à quels prix pour les autres ?   
Pour Jordis von Lohausen, l'histoire est le domaine spécifique de l'inattendu. Par contre, l'espace reste le seul élément stable de l'équation politique mondiale. C'est pourquoi il conclut que la puissance d'un Etat est sa force multipliée par la situation géographique. Alexandre le Grand, Gengis Khan, Gladstone, Pierre le Grand, Napoléon, les Présidents des Etats-Unis, Hitler, Staline, les grands Conquérants anglais, portugais, espagnols, français ou génois comme vénitiens ont compris et réalisé que tout besoin d'expansion territoriale est une nécessité de puissance : assurer un Empire, c'est posséder le sens des espaces.
Si toutefois, notre auteur rejette tout déterminisme géographique, il affirme qu'il existe des contraintes géographiques indéniables : la géographie prédispose et c'est ainsi qu'elle peut servir de base pour une prospective. Le mot "puissance" ne doit pas faire peur. Il s'agit de reconnaître précisément ce qui est fait au moyen de cette puissance. La puissance appartient à des Etats aussi bien démocrates (avec les nuances multiples que cela peut recouvrir, de la simple étiquette à un système où le peuple se détermine véritablement lui-même), totalitaires, monarchiques que religieux ou revendiquant un athéisme, voire où l'Etat devient un Dieu. La puissance ne détermine sa valeur que selon la conscience ou l'absence de conscience de celui qui en a l'usage.

L'originalité de son approche est de privilégier une géographie comparative comme une histoire comparative. Il rejette cette périodisation trop étroite qui limite la réflexion aux particularismes pour élargir le regard sur l'essentiel, ayant des caractéristiques communes. Pour l'Europe, les Grandes Invasions de 370 à 520 sont les reflets de phénomènes antérieurs, les conquêtes de l'Ouest de l'époque, jusqu'à ce que Charlemagne pousse vers l'Est. Il faut attendre 1940-8 pour voir surgir à nouveau la poussée vers l'Ouest.
Les Etats-Unis ont aussi connu les conquêtes de l'Ouest, avec la disparition de cultures et de peuples, les oubliés de l'histoire, mais la Déclaration Monroe de 1823 qui annonçait le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, reste une magnifique déclaration à laquelle ne manquait qu’une application régulière et pour tous dans les faits et pas uniquement pour satisfaire quelques opportunismes de politique étrangère au gré des évènements, comme Wilson le confirmera en 1918 !

Europe : le centre du monde habité
Les trois quarts de la surface terrestre sont recouverts par les eaux et un quart est formé de terres : ce ne sont pas les continents qui relient les océans mais les océans qui relient les continents. Les Etats-Unis sont aux océans ce que l'Europe est aux terres.
Les raisons profondes de la puissance mondiale de l'Amérique du Nord sont :
1.     Sa prépondérance incontestée sur le continent nord-américain au prix de la disparition ou de la mise en ghettos des Indiens et grâce à une forte émigration européenne (le Canada p.e. a encore un réel besoin d'émigrants dans son pays, émigrants sélectionnés selon les besoins du pays).
2.     Une disposition presque illimitée de matières premières.
3.     Une situation imprenable entre deux grands océans; sa position entre le Pacifique et l'Atlantique lui facilite une domination sur toutes les mers du globe terrestre.

Amérique du Nord : position centrale maritime[6]

La géographie la prédisposait à être une puissance maritime et c'est bien ce qu'elle est devenue.
Le rayonnement de l'Europe dans l'histoire du monde s'explique par sa position géographique. L'Europe, et tout particulièrement, le Nord de la France, constitue le centre de l'hémisphère le plus couvert de terres. L'Atlantique nord est la voie la plus courte, libre de glaces, entre l'Ancien et le Nouveau Monde. Dans cette perspective, les continents forment un cercle autour de l'Europe comme les océans entourent son pendant, la Nouvelle Zélande.  Dans l'hémisphère sud, nous trouvons seulement l'Australie, la Nouvelle Guinée, le Chili, l'Argentine et la zone inhabitée de l'Arctique.


Europe : une position continentale centrale

Dans sa perspective, Jordis von Lohausen associe la vision de l'Eurafrique de Haushofer et celle de l'Eurasie de Mackinder. Il conclut que le rayonnement de l'Europe ne peut exister que dans une entente germanofrancobritannique. Von Lohausen n'a pas de mot assez dur pour condamner les conflits internes à l'Europe. Chaque pays a eu sa part des responsabilités. L'Europe occidentale a explosé en raison de l'intervention de grandes puissances territoriales extra-européennes.

Militairement, il donne trois axes. A la flotte britannique, il conviendrait d'assurer le caractère inattaquable de l'Europe par la mer. A la Prusse (n'oublions pas que ce territoire a changé de nom pour des raisons plus politiques qu'historiques), l'Allemagne et l'Autriche, il faudrait qu'elles assurent l'Europe de toute attaque provenant de l'Est (pour mémoire : les Grandes Invasions, les Turcs, les Mongols, l'URSS). A la France, l'Espagne et l'Italie, il appartient de contrôler la Méditerranée.
L'Europe a trois physionomies bien typées. Pour le Portugal, l'Angleterre et la Norvège, elle est de caractère atlantique. Pour l'Italie et la Grèce, elle a les traits méditerranéens. Pour la Suède, la Prusse et la Hongrie, elle a un aspect continental. Pour la France et l'Espagne, elle a des caractéristiques atlantiques et méditerranéennes alors que, pour l'Allemagne, elles sont atlantiques et continentales. Pour certains pays, il existe des frontières naturelles pour la majorité, si ce n'est la totalité, de leurs territoires. Par contre, l'Allemagne et l'Autriche ont plus de peine à trouver des limites dites naturelles : toute leur histoire et les difficultés de leur histoire ont consisté à les trouver. En ce sens-là, la géographie les prédisposait à des luttes territoriales. La vie culturelle a forgé l'Europe qui se reconnaît avant tout par ses œuvres artistiques : l'union européenne a ses fondements les plus solides sur ses créations culturelles.

Notre auteur s'interroge pour savoir où finit véritablement l'Europe et si la Russie est encore l'Europe. L'histoire de ce vaste pays lui fait conclure que la Russie a un double visage. Elle a une face européenne tournée vers l'Est, sa recherche de l'expansion vers l'Est est le fait de l'Europe. Elle a une face asiatique indiquant l'Ouest car la pénétration à l'Ouest est le fait de l'Asie. Son histoire est marquée par cet effet de pendule qui tantôt l'a fait pencher vers l'Europe, tantôt vers l'Asie. Effacer  ce désaccord interne à la Russie dépend de l'Europe.

Pour la couverture Est de l'Europe, les frontières de l'époque moderne, en 1772, sont celles de la Prusse et de l'Autriche. L'Autriche disposait sur les Carpates d'une frontière naturelle. Les capitales Vienne et Berlin se trouvaient à mi-chemin entre Moscou et Paris. Von Lohausen insiste sur le fait que la spécificité de l'Autriche était de ne pas posséder le sentiment de former une nation. Selon lui, il n'y a pas eu à proprement parler de peuple autrichien comme il y a un  peuple anglais ou un peuple français. Il signale toutefois, dans le Royaume-Uni et en France, le poids des régions qui ont tendance à réapparaître de nos jours, face à une capitale jugée trop centralisatrice. A travers l'histoire de l'Autriche, il étudie le rôle du bassin danubien qui aurait dû correspondre à une monarchie danubienne dont le centre aurait été Budapest et non Vienne. Le démembrement de l'Autriche a commencé au Congrès de Vienne pour s'achever à la fin de la Seconde guerre mondiale. Le résultat est que l'espace danubien est devenu une source de guerres. L'été 1968, lorsque les Russes sont entrés pour la seconde fois en Bohême et en Moravie et en Slovaquie, a confirmé la mutilation définitive de l'Autriche. Les Tchèques ont fait cause commune avec les vainqueurs de l'Autriche en arrachant le tiers de la population autrichienne contre sa volonté, contre le droit à l'autodétermination proclamée pourtant par Wilson[7] et contre tous les principes de liberté.

Résultats de la Seconde guerre mondiale pour l'URSS :

A Téhéran et à Yalta, Staline fort des connaissances du passé, est le seul homme à réussir à assurer des conquêtes territoriales et stratégiques à son pays. Lorsque Roosevelt et Churchill ont accepté que l'Oder et la Neisse soient la nouvelle frontière, ils ont accepté que vingt-trois millions de personnes dont dix-sept millions de langue allemande, soient expulsées. L'URSS prend la maîtrise des accès à l'Atlantique, sans tenir compte des volontés des peuples existants. La poussée slave vers l'Ouest (voir la carte ci-dessous) avait été bloquée par trois tenailles jusqu'en 1945, avec au Nord : les Allemands du Nord-Est, les Lithuaniens, les Lettons, les Estoniens et les Finnois;  avec au Sud : les Allemands du Sud-est, les Hongrois, les Roumains. Les Allemands prenaient en tenaille les Tchèques entre la Basse-Autriche et la Silésie, les Polonais entre la Silésie et la Prusse orientale.

Les trois tenailles qui bloquaient l’avance de l’URSS

Depuis Charles XII de Suède jusqu'à Napoléon et Hitler, cette réalité était bien perçue mais seul Staline a réussi à éliminer la Prusse orientale, à expulser les Allemands de Poméranie, de Silésie et isoler les Estoniens, Lettons et Lithuaniens : il a fait ainsi tomber les trois tenailles qui pouvaient l'enserrer.  De plus, l'URSS avec l'appui des pays occidentaux et des Etats-Unis, a reçu la RDA comme tremplin vers l'Europe.

D'un point de vue géopolitique, l'URSS a soumis tout l'espace entre la Baltique et la Mer Noire; l'expansion vers l'Est des Allemands comme des Polonais est stoppée pour se trouver même inversée par les expulsions; la Pologne devient le verrou imposé à l'Europe; la citadelle que constitue la Bohême est conquise par l'URSS. L'Europe se retrouve avec un front impossible de 4 7000 Km, du Nord au Sud, sans aucune profondeur.
 La RDA tremplin vers l’Europe
Corollaire : un front défensif trop long pour l’Europe

Pourquoi l'URSS n'a pas réussi à maintenir ses acquis de 1940 à 1948 ?
Staline a obéi  à des idées panslavistes. L'idée d'un empire slave d'un Océan à l'autre existe encore dans l'esprit de quelques militaires, dit russes actuellement. Si l'idée panslaviste n'a pas réussi, ce n'est pas grâce à la politique européenne qui l'a plutôt favorisée par son comportement. C'est le facteur humain qui  a manqué aux panslavistes : ces peuples différent ethniquement. Ils ont connu  des évolutions très diverses et ils ne partagent pas un passé qui pourrait les unir. Le plus grave est qu'ils se sont persécutés mutuellement et les fruits de la haine sont toujours partagés comme les années 1990 l'ont démontré : cette hostilité réciproque a été même supérieure à celle qu'ils vouaient à leurs voisins non slaves. Les Tchèques ont connu la haine des Slovaques, les Serbes la haine des Bulgares et des Croates comme une partie des Slovènes; les Grands Russiens ont connu la haine des Ukrainiens et surtout des Polonais. Il ne faut pas oublier que, pendant plus de six siècles, la Pologne et la Russie se sont disputés des territoires et que c'est sous la pression russe que les Polonais ont quitté les territoires biélorusses, ukrainiens et baltes. Pour les Croates, les Slovènes et les Bulgares, les Serbes ont remplacé les Turcs, leur ennemi héréditaire. Les Mazures qui voulaient rester attachée à l'Allemagne en 1920 (à 97%), ont été rattachés sans aucune consultation à la Pologne en 1945. Il convient de prendre acte de ces nombreuses blessures non cicatrisées alors que l'Europe actuelle redécouvre avec surprise ces réalités qui ressurgissent et qu'une certaine historiographie a couvertes d'un voile de silence.

L'URSS a conquis les espaces en saisissant les opportunités d'un moment mais n'a pas su faire fructifier ses acquis inespérés: ses erreurs économiques ont détruit ses gains territoriaux. Il a fallu la longue durée pour que cette réalité apparaisse au grand jour et explique la chute de l'URSS qui s'est produite. Grâce aux expulsions des peuples, voulues par Staline, l'Allemagne a reçu plus de bras mais elle en a eu besoin pour sa reconstruction : cet aspect, Staline ne l'avait pas prévu.

Interdépendance des Etats du monde
 Prendre conscience que les Etats du monde sont interdépendants est la préoccupation majeure de Jordis von Lohausen. Les matières premières  et les énergies ne sont plus en Europe occidentale. Les industries européennes ont amélioré nos conditions d'existence et nous font vivre mais, en même temps, elles ont augmenté nos liens de dépendance avec le reste du monde. Cette interdépendance se vit économiquement. Elle a modifié les relations entre les Etats au point d'étouffer parfois leurs principes dressés en valeurs universelles (le cas du Congo).

L'hémisphère Nord contient les puissances mondiales : Amérique, Europe occidentale, Russie, Chine, Japon. Le potentiel de destruction nucléaire est le plus fort dans cette partie du monde. Le risque de l'enjeu nucléaire est trop fort et par conséquent la lutte se fait plus au Sud. Ainsi, les pays les plus lointains deviennent des champs de bataille réels  ou potentiels : le facteur décisif dépend de leurs ressources et de leurs nécessités pour l'hémisphère Nord.

Chaque puissance a son ventre mou : pour la Chine, c'est la Birmanie et le Vietnam; pour la Russie, c'est l'Iran et la Turquie; pour les Etats-Unis, c'est le golfe du Mexique; pour l'Europe, ce n'est pas la Méditerranée mais le Cap de Bonne Espérance.   Les théâtres d'opération secondaires actuels sont les préludes à un conflit d'envergure pouvant devenir un affrontement décisif. Géographiquement et économiquement, il est possible d'établir une prospective en espérant que la raison et d'autres logiques viennent déjouer ce qui lentement se dessine à l'horizon.

Cette situation détermine trois paliers de conflit :
·       La guerre atomique intercontinentale est un danger peu probable aussi longtemps que les territoires sont utiles à celui qui veut les prendre.
·       La guerre conventionnelle est praticable hors du champ principal d'intérêt du monde.
·       La guérilla dans toutes les autres zones : la plus limitée est celle réduite à une zone géographique précise et la plus ouverte, celle qui ignore toute frontière. Avec la vitesse actuelle des connaissances, une guérilla a les moyens techniques et les matières pour utiliser la menace atomique comme la pratiquer à petite échelle, sans dépendre d’une grande puissance attitrée.

Jordis von Lohausen parle d'une guerre permanente que nous vivons à travers aussi bien des conflits ouverts que de grandes luttes économiques pour maîtriser ou pour garder la maîtrise de ressources vitales (énergie ou métaux rares nécessaires à la technologie). Une arme redoutable, « l'artillerie de cette guerre permanente », est la guerre psychologique. Son rôle en Allemagne suscite de vives réactions chez notre auteur qui affirme : "La psychologie conquiert. Les blindés occupent.".
La guerre psychologique vise à atteindre quatre renoncements essentiels dans le camp à considérer comme ennemi :
·       Renoncement à la vérité
·       Renoncement aux modèles de comportement
·       Renoncement à l'histoire, dans sa plénitude
·       Renoncement au courage d'être soi

Ce sujet est d'actualité en ce moment où l'histoire est bien souvent un champ de bataille idéologique au lieu d'être un lieu de débats historiques. Les thèmes faisant polémiques ne manquent pas et chaque pays  a les siens et certains peuvent être communs à plusieurs. En prendre conscience, c'est déjà se prémunir contre des demi-vérités si bien manipulées qui discréditent leurs auteurs, malgré tous les titres qu'ils peuvent arborer ou les honneurs dont on les couvre !

Situation actuelle[8]
Les deux superpuissances, Etats-Unis et Russie, agissent encore et toujours sous la dictée de leur situation géographique : Il ne faut se laisser abuser par de fausses luttes idéologiques, au nom de valeurs vite oubliées selon les besoins spécifiques aux Etats. Les cinq handicaps géostratégiques sont les suivants :
1.     Si les Américains sont les maîtres incontestés du continent nord-américain, la Russie n'est pas maîtresse du sien, le continent eurasien. Elle doit partager la puissance avec les Européens et  les Asiatiques.
2.     La Russie appartient au monde arctique. Géographiquement, elle est le pendant du Canada et non des Etats-Unis. Une partie de son territoire appartient à la zone tempérée. La conséquence la plus défavorable est que les coûts des prospections (gaz, pétrole et autres) sont multipliés par cinquante.
3.     La partie habitée de l'Amérique du Nord forme un rectangle compact de 4 000 Km de long sur 2 000 Km de large. La surface réellement habitable de la Russie forme une bande de 7 000 Km de long mais dont la largeur, qui est supérieure à 1 000 Km à la hauteur de Moscou, n'atteint pas la centaine de kilomètres sur les rives de l'Amour.
4.     Si l'Amérique est flanquée de deux océans, la Russie se voit isolée par trois masses compactes : l'Europe occidentale l'isole de l'océan Atlantique, l'Asie mineure de l'océan Indien, la Chine et le Japon de l'océan Pacifique. Les rares ports russes, mis à part Mourmansk, non bloqués par les glaces sont, tous, situés sur des mers secondaires : mer Noire, Mer de Japon, Mer Baltique contrôlées par des puissances étrangères, respectivement Suède et Danemark, Japon, Turquie. Odessa est le premier et le seul grand port de la Russie car non bloqué par les glaces mais il est aussi éloigné de l'Atlantique que Chicago en Amérique.
5.     La Russie possède les frontières terrestres les plus nombreuses et les plus longues du monde : c'est une des composantes géostratégiques qui a le mieux protégé l'Europe occidentale. La façade qui jouxte la Chine s'étend déjà sur 6 000 Km (alors que les Etats-Unis n'ont des frontières communes qu'avec le Canada et le Mexique). Le Canada est le glacis arctique des Etats-Unis. Le Mexique ne peut pas servir de déploiement ou de tremplin à une grande puissance hostile aux Etats-Unis. Les Soviétiques sont cernés, de la Corée du Sud à la Norvège, par un cordon d'Etats non inféodés à Moscou qui, de plus, peuvent être protégés du côté de la mer. La guerre de l'Afghanistan en 1978 et la chute de la monarchie iranienne ont rompu l'encerclement des puissances côtières. Or les hautes terres d'Iran sont la plaque tournante entre l'Inde et la Russie, entre la Chine  et l'Arabie, entre la Steppe et les Océans. L'Iran surplombe les plaines de l'Indus, de la Mésopotamie, de l'Oxus et la Mer Caspienne, le Golfe Persique. Une percée réussie vers l'Océan Indien permettrait à la Russie de reprendre toute la puissance détenue autrefois par les Britanniques dans cette zone du monde. La Russie aurait ce port en mer ouverte dont elle a tant besoin.

La lutte pour la possession des détroits

Cette configuration a offert à l'Europe occidentale trois situations :

A. Sa neutralisation au profit de la Russie par une sorte de "finlandisation". Ce danger a existé et s'il ne s'est pas produit, il s'agit de ne pas l'oublier.
B. Son  indépendance par un recouvrement de son rôle géographique.
C. Le risque d'être le champ de bataille le plus "économique" pour les Etats-Unis contre la Russie.

Jordis von Lohausen souhaite une entente qui ne soit pas celle du loup et de l'agneau mais celle de partenaires pouvant avoir des complémentarités, en raccrochant les idéologies au vestiaire. Il verrait un échange sur cette base : accès possibles à l'Atlantique aux Russes contre des peuples retrouvant leur autonomie et leurs alliances historiques.

Les Etats-Unis ont trois têtes de pont contre l'ancienne URSS : la Chine, le Moyen-Orient et l'Europe. Les Etats-Unis ont comme meilleurs défenseurs l'Atlantique et le Pacifique. La Russie n'a rien de tout cela. Ce que la géographie a donné gratuitement aux Etats-Unis, la Russie doit le compenser par un surarmement qui a ruiné et ruine son économie. La Russie qui s'est assurée, par ses conquêtes territoriales, les greniers à blé de l'Europe ne sait pas produire ce dont elle a le plus grand besoin, les productions alimentaires. Une économie suradministrée, hyperétatisée est une catastrophe qui l'assassine quotidiennement. Les peuples non russes, des religions diverses empêchent la Russie de pouvoir mener de longues guerres. Elle ne maîtrise pas ses peuples même si elle les asservit.

Par le seul combat idéologique (avec une guerre psychologique[9] pourtant efficace), l'Europe aurait pu tomber dans le panier territorial soviétique. Le communisme a subi de dures défaites depuis 1990[10] et ne peut pas être considéré comme mort car il renaît de façons diversifiées, les « milieux dits de la culture » en témoignent amplement. Des questions peuvent se poser : Les Etats européens ont-ils encore une force morale ? La démocratie survit-elle mieux que le communisme au sein des pays non occidentaux ? A-t-on perçu les dangers de l'oubli volontaire de certains passés pourtant proches ?

La Russie n'a pas pu éliminer la menace chinoise. L'Europe et la Chine peuvent prendre en tenaille la Russie. L'explosion démographique que connaît la Chine est un  facteur latent de guerre. La Russie peut percer au Sud par l'Afrique. L'Inde est trop difficile à dominer. L'Afghanistan et l'Iran sont des proies possibles mais le facteur religieux reste l'obstacle majeur.

L'Afrique du Sud

Un point d’appui pour soulever le monde

Pour assurer une certaine maîtrise de l'Europe, la Russie porte un regard sur l'Afrique du Sud car, en prime, elle contrôle tout l'hémisphère Sud. L'Afrique, conglomérat d'Etats créés dans l'arbitraire le plus total, a été un terrain favorable pour l'URSS. Les réalités ethniques, tribales et les structures naturelles d'un  continent noir ont été complètement ignorées. J. von Lohausen souhaiterait qu'une Afrique des peuples soit effectivement voulue et que l'autodétermination soit réelle. La politique africaine de Moscou a su utiliser habilement des complexes inculqués aux Européens. Les pays africains, déclarés libres, ont connu de nombreux massacres et des guerres ethniques depuis le départ des Européens. Les ethnies sont manipulées avec des slogans, des armes livrées contre des bases militaires et des monopoles établis en faveur de Moscou[11]. Cuba a œuvré et œuvre encore de façon efficace, quoique de nouveaux intérêts ont modifié les enjeux.

La position géographique de l'Afrique du Sud (voir la carte qui précède) lui donne toute sa force et en fait un enjeu pour les grandes puissances. Sa dimension territoriale n'est rien face à sa position qui lui permet de contrôler : la route du Cap, d'être le pôle Sud de tous les centres mondiaux importants. Comme l'Europe domine l'hémisphère Nord, l'Afrique du Sud domine géostratégiquement l'hémisphère Sud.  Ce pays est presque équidistant de l'Inde et du Brésil, de Singapour et du Canal de Panama, de Pékin et de Washington, de Londres et de Paris, de Bonn et de Moscou. Le bastion "sud-africain" est constitué de la République sud-africaine, du Transkei, du Sud-ouest africain, de la Rhodésie et du Botswana. Ces atouts sont déjà décisifs pour celui qui les possède mais cela n'est pas tout. Le sous-sol sud-africain, c'est le 60% du platine mondial, le 50% des réserves de manganèse et de vanadium, le 25% d'uranium, le 65% de l'or, une profusion de mines de diamants. Le fait essentiel est que l'Afrique australe possède le 72% des réserves mondiales de chrome. L'Afrique du Sud est, avec l'URSS, le seul pays du monde producteur de chrome[12]. Si les Russes parvenaient à contrôler la Rhodésie : le 62% des ressources mondiales et de la meilleure qualité, la Russie pourrait étrangler l'économie de guerre de leurs adversaires car, sans chrome, pas d'acier inoxydable, sans acier inoxydable, pas d'armement moderne et surtout nucléaire. Si l'Europe est privée du pétrole transitant par le Cap, elle ne pourrait pas se défendre longtemps.

Contrôle des matières premières
J. von Lohausen démontre que le contrôle des matières premières est plus important que celui des capitaux. En cas de basculement de puissances à l'avenir, cette affirmation se trouverait confirmée. Depuis les années 1950 jusqu'à nos jours, des crises et des guérillas ont apporté de profondes modifications à la carte du monde. L'Europe n'a pas toujours pris conscience des conséquences de celles-ci. L'Europe peine à porter ses yeux plus loin que son proche horizon, à l'exception notable de la Grand Bretagne. Par contre, les décideurs du monde économique s'aperçoivent que la maîtrise des matières  premières, des énergies comme de leurs transports et des mers révèle les véritables détenteurs de la puissance. Les lois économiques ne présideront pas toujours à leur gestion. Il y a eu durant un temps long, chez les militaires particulièrement, une sorte de concentration braquée sur les panoplies guerrières de chacun. Or l'important ne réside pas dans cet aspect. L'arme par excellence est le blocus économique : cette arme est de nos jours entre les mains de non Européens. Cette arme, plus dangereuse que le nucléaire qui lui serait un anéantissement pour tous, pourrait donner un pouvoir à des décideurs ayant d'autres critères de valeur que ceux des Européens. Le XXIe  siècle sera le siècle où de nouvelles puissances pourraient émerger et ce sera la fin du système euraméricain qui donnera naissance à un nouveau système : chinafricain ? Voilà un paramètre utile à étudier en matière de prospective.

Géographiquement, la Chine a des atouts. Sa révolution villageoise a mieux réussi que la révolution urbaine soviétique.  Sa démographie est florissante. Un besoin d'expansion lui sera inévitable et nécessaire. La langue comme son écriture sont un bon rempart contre toute influence idéologique non reconnue par l'Etat. Elle connaît un passé qui unit plus qu'il ne la divise. La Chine peut s'intéresser à l'Afrique du Sud pour réussir ce que ni l'Europe centrale, ni la Russie n'ont réussi à faire jusqu'à maintenant. Cela est dans le domaine du possible et l'actualité des années 2000 en Afrique démontre que cette analyse de Jordis von Lohausen est pertinente.

Prospectives :
Pour ce XXIe siècle, Jordis von Lohausen envisage des bouleversements géopolitiques qui auront pour origines :

1. l'explosion démographique dans l'hémisphère Sud et en Asie
2. les mutations climatiques ou écologiques en milieu aquatique comme terrestre
3. les ressources alimentaires mondiales
4. les véritables détenteurs des matières premières
5. les maîtres de voies navigables

Les mouvements d'émigration ne pourront que s'accentuer aussi longtemps que des Etats ne connaîtront pas une certaine autarcie alimentaire qu'ils pourraient d'ailleurs disposer s'ils avaient une volonté commune ! Les sens de ces migrations sont bien définis : direction du Nord et de l'Ouest, les boat people en Extrême Orient, les Mexicains aux Etats-Unis et les Asiatiques avec les Africains en Europe.

La population chinoise peut trouver un espace dans le vide sibérien. Une simple augmentation du niveau des mers peut avoir des conséquences directes et immédiates au Bengladesh et en Egypte.

Si l'Europe occidentale veut subsister, elle a besoin de redécouvrir ses interdépendances internes et sa dépendance envers l'Afrique qui est son complément naturel. La Troisième guerre mondiale s'est achevée à la Chute du Mur de Berlin avec les 350 conflits de l'après-guerre. Les peuples d’Europe occidentale y ont été peu sensibles et redécouvrent avec stupeur la réalité de la guerre à quelques kilomètres de leurs frontières.

L'élan de puissance qui anime les Etats est un outil à double tranchant, selon le choix des buts et le choix des moyens. Cette volonté de puissance qui s'exprime dans le droit du plus fort peut parfois se fondre dans le moule de la morale mais elle peut être, aussi malheureusement, être l'oppression des droits des faibles dans une lutte inhumaine.  Pour Jordis von Lohausen, la puissance d'un éventuel agresseur réside dans ce qu'il convoite et non dans ce qu'il possède.

L'Europe a bénéficié d'un accroissement de bien-être en même temps qu'elle a perdu une conscience de soi. Le parapluie nucléaire américain lui a fait perdre sa volonté de défense. Sa substance morale est atteinte. Elle possède une richesse mais une richesse sans défense est une invitation au rapt et au pillage.
L'Europe, comme d’autres continents, doit redécouvrir les ethnies qui la composent. Une histoire millénaire a uni des peuples qui doivent véritablement retrouver et leur réelle autodétermination, et leurs obligations mutuelles.

Face à l'avenir qui reste toujours une inconnue, nous vivons des développements non encore parvenus à échéances et qui ne doivent pas nous faire oublier que la puissance est comme l'eau, elle ne connaît pas d'espaces vides.

Son étude sur la puissance, le courage d’être ce que l’on doit être, ne vise pas à justifier la guerre. Il voudrait que la force morale qui a animé l'Europe la soude dans une paix où il n'y ait plus de victimes souffrant dans le silence. Il veut retrouver cette paix que définit Valéry en 1919 dans "La crise de l'esprit" :
"Et qu'est-ce que la paix? La paix est, peut-être, l'état des choses dans lequel l'hostilité naturelle des hommes entre eux se manifeste par des créations au lieu de se traduire par des destructions, comme le fait la guerre.".

A travers quelques citations[13] :
« Toute politique tente à manipuler des hommes et à combler des espaces. Il n’y en a pas d’autre. L’âme de l’homme et l’espace, tels sont ses champs de bataille. La géostratégie et la psychostratégie ne sont que les deux faces de la même médaille. », p. 16

« Les inventions peuvent vaincre l’espace et le temps ; les inventeurs ne le peuvent. Malgré les fusées et les vaisseaux spatiaux, l’homme est enchaîné par les besoins de son corps. Son développement physique, sa formation professionnelle exigent une durée de vingt ans, parfois plus. Le délai d’une récolte à l’autre compte toujours un certain nombre de mois, voire une année. Et pour nourrir convenablement un million d’hommes, il faut bien encore des milliers de lieues de terre arable ou dix mille lieues d’océan se prêtant à la pêche. Chaque minute de la vie de l’homme a besoin d’une quantité suffisante d’air frais, non pollué. Chaque jour de sa vie réclame de l’eau potable. Ces faits déterminent la vie de l’humanité bien plus que chaque progrès technique. Même la seconde révolution industrielle ne peut rien y changer. », p. 54 

« Le surpeuplement est un facteur d’incertitude, même pour le pays le plus riche et techniquement le plus avancé. Il signifie une aggravation du danger non seulement en temps de guerre, mais aussi en cas de crise économique sur le marché mondial. Cette sensibilité à la crise évolue d’une situation de danger latent vers une misère plus durable, lorsqu’un accroissement continu de la population la met hors d’état de se procurer par ses propres moyens les vivres nécessaires. C’est le cas de l’Inde. Chaque habitant d’une telle contrée n’est plus alors une force mais une faiblesse. », p.56  

« Pour une puissance maritime la mer est l’espace vital et non une frontière. Ses frontières se trouvent sur les rivages opposés. », p. 93

« L’Europe - et plus précisément le Nord de la France, l’espace entourant Paris - constitue le centre géométrique de l’hémisphère du globe le mieux fourni en terres. L’Europe ne peut se dérober à cette position centrale, ni au voisinage de la Russie ou de l’Afrique. L’Europe doit vivre avec pareille situation. Que ce soit dans son intérêt ou à son désavantage, cela ne tient qu’à elle. », p. 102
 
« Si les deux guerres mondiales ont démontré l’absurdité de l’inimité franco-allemande et la deuxième le non sens de l’hostilité sino-japonaise, elles confirmèrent d’autre part l’insuffisance de la collaboration, entre l’Europe et l’Asie orientale en vue du maintien de l’équilibre mondial. », p. 129

« Bien des peuples sont fatigués d’eux-mêmes. Etre libre, cela demande des efforts. Etre un peuple, cela exige des sacrifices. Rien de moins exigeant, en revanche, que d’appartenir à un Etat (quel qu’il soit) ou à une quelconque « communauté économique » (comme la République fédérale d’Allemagne). On ne vous demandera rien - sauf payer vos impôts. Il n’y a plus alors de peuple, seulement une population, et, au sommet, non plus des dynastie mais des partis. L’on est « chez soi », là où l’on touche sa fiche de paie et où l’on cotise à la Sécurité Sociale. Ici, comme partout dans le monde de l’habitant déraciné des grandes villes, l’accompli prime l’évolutif, le passeport prime l’origine, la mode prime l’histoire. », p. 189

« Les Etats de faible superficie doivent conquérir pour monter en puissance Ils ont besoin d’espace et de matières premières. Les Etats étendus, eux, ont besoin d’hommes. Leur conquête consiste à recruter. Leur gain de puissance, c’est l’immigration. C’est par elle, et par elle seule, que les Etats-Unis sont devenus, en un siècle et demi, la première puissance du globe. », p. 236

«  ‘’L’artillerie conquiert, l’infanterie occupe’’ pouvait-on lire, au lendemain de la grande bataille du matériel de la Première guerre mondiale, dans un manuel d’instruction de l’Armée française. Aujourd’hui le même manuel pourrait écrire : ‘’La psychologie conquiert, les blindés occupent.’’. Il y a longtemps que la stratégie n’est plus l’art de briser par la violence la volonté de l’adversaire. Désormais, elle consiste à amener celui-ci à ne plus envisager la possibilité même d’une résistance ou, mieux encore, à ne plus vouloir résister, et donc à ne plus en voir la nécessité. Cet objectif atteint, le moment est venu d’envahir. », p. 270

« Bien appliquée, la méthode de guerre psychologique de Sun Tsu entraîne dans le camp ennemi, quatre renoncements essentiels : - renoncement à la vérité, -renoncement aux modèles de comportement, - renoncement à l’Histoire, - renoncement au courage. », p. 276

Bibliographie :
Jordis von Lohausen : Les Empires et la Puissance, La géopolitique aujourd’hui, Nouvelle édition augmentée d’une postface, traduction : Elfriede Popelier et Jean-Louis Pesteil, Ed. du Labyrinthe, 1996, Arpajon, 326 p.
Traduction de son ouvrage : « Mut zur Macht, Denken in Kontinenten », 1979 et 1981. La première édition du Labyrinthe (Paris, 1985, 312 p., 41cartes) est celle  d’où proviennent les cartes et les références de page pour cet article. 

Autres publications :

Biographische Essays, 1954
Strategie der Entspannung, 1972 et 1979
Ein Schritt zum Atlantik, 1973 et 1974
Entscheidung im Süden, 1974
Russland Kampf um Afrika, 1975
Strategie des Überlebens, 1981
Denken in Völker, Die Kraft von Sprache und Raum in der Kultur- und Weltgeschichte, d.i.
Reiten für Russland, Gespräche im Sattel, 1998
En collaboration: Zur Lage der Nation, 1981

Articles dans „Nation Europa“ et plusieurs autres publications.




[1] Historien, collaborateur scientifique pour recherches sur l’histoire de la sécurité et de la défense, officier d’infanterie et actuellement officier d’Etat-major d’« Armée suisse ». A présenté divers travaux sur J. von Lohausen depuis 1997 ainsi que sur l’histoire de la géopolitique.
[2] J. von Lohausen : Les Empires et la Puissance, Ed. du Labyrinthe, 1996, 2e éd., p. 321.
[3] Né le 6 janvier 1907, à Klagenfurt.
[4] Le titre en français ne traduit pas la dynamique du titre en allemand.
[5] Le Kenya est un tragique exemple où les Maasai, parmi d’autres ethnies, ont été refoulés par les Britanniques alors qu’ils étaient des semi-nomades. Les tribus nomades ont été les victimes du XIXe de façon générale pour des puissances voulant s’assurer des espaces.
[6] J. von Lohausen : Les Empires et la Puissance, Le Labyrinthe, Paris, 1985. Toutes les cartes proposées proviennent de cette édition.
[7] Les quatorze points du 8 janvier 1918 : une analyse comparative entre les faits et les principes énoncés est riche d’enseignements.
[8] L’auteur écrit en 1979.
[9] Il y comprend la propagande directe (politique étrangère affichée) ou indirecte (par des groupes manipulés).
[10] Selon la nouvelle édition française 1996 de «Les Empires et la puissance ».
[11] En 2007, la Chine étend son influence en force sur l’Afrique ; les Américains cherchent à modifier à leur profit les relations africaines traditionnellement établies avec l’Europe.
[12] La Chine s’y intéressera donc plus particulièrement au vu du développement de ses industries.
[13] Les renvois de page se réfèrent à l’éd. française 1985 du Labyrinthe. Ces citations illustrent les divers aspects de la pensée de J. von Lohausen, synthétisée dans cet article. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire